ÉTUDES DANS LA DOCTRINE SECRÈTE

VII – La Métaphysique

[Traduction du chapitre “Metaphysics” de l’ouvrage Studies in the Secret Doctrine, de B.P. Wadia – Éd. Theosophy Compagny Mumbai – Inde]

« En dehors de la métaphysique, aucune philosophie occulte, aucun ésotérisme n’est possible. » - S.D., I, p. 169.

Quand  les brouillards de la théologie sont dispersés et que les gens découvrent qu’il n’y a qu’un espace vide là où ils s’imaginaient et croyaient qu’il y avait un Dieu qui les aimait et les protégeait, ils sont désabusés. Quand Dieu s’évanouit avec les brouillards, ils se trouvent seuls,  face à face avec l’espace vide. Au lieu de se s’informer sur la nature de cet espace et si par chance la Déité ne pouvait pas s’y trouver, ils passent d’un extrême à l’autre, d’une croyance aveugle en un Dieu personnel à la négation aveugle de tout Dieu. Ils prétendent alors que, puisque les brouillards physiques ne contiennent rien, l’espace métaphysique lui aussi ne contient rien.

Dieu est supposé appartenir au domaine de la religion et de la théologie, et quand le Dieu des religions est rejeté, les gens ne cherchent pas à savoir s’il n’existe pas un autre domaine de la connaissance où seraient expliquées l’existence et la nature de la Déité. Et surtout parce que la science moderne a aboli ce dieu personnel, la plupart des gens qui ont rejeté leur religion vont suivre les dictats de la science. Une fois de plus la philosophie à été confondue avec la théologie, et comme la théologie est étroitement apparentée à la religion, les gens vont rejeter pêle-mêle la noble philosophie et la théologie pervertie. De plus la science s’attachant aux faits matériels, elle est considérée comme une discipline pratique, et non la philosophie à cause de son caractère abstrait et spéculatif. Tout cela doit être gardé à l’esprit, car c’est là que réside une des difficultés à laquelle l’étudiant devra faire face.

La Théosophie enseigne que le point de départ pour l’homme, qui aspire à vivre raisonnablement, est la connaissance. Dans la vie active, les gens agissent mal, parce qu’ils sont mus uniquement par l’impulsion des sentiments et des désirs. La connaissance nécessaire à l’action juste fait défaut. De plus, c’est la connaissance qui purifie tout d’abord, puis élève la nature morale de l’homme. La connaissance met sous contrôle les impulsions des désirs et stoppe leurs mouvements irresponsables qui rendent l’homme tantôt craintif et tantôt exalté. La connaissance met un terme au caprice. Elle développe la dévotion en qui résident les ingrédients de viveka (la discrimination), de vairagya (le détachement), et de karuna (la compassion). Ensuite seulement la pratique de l’action juste devient possible. C’est pour cette raison que La Doctrine Secrète recommande l’étude de la métaphysique. Les idées universelles et impersonnelles libèrent le mental de la prison des notions personnelles ; en présence de telles idées, les pensées mesquines, viles et étroites s’évanouissent. La métaphysique (la vraie et non le jargon métaphysique) est capable d’ouvrir le mental du politicien à une vision internationale ; d’élever les intuitions du poète à des hauteurs cosmiques ; d’infuser la sagesse et le sens de la proportion dans l’amour du saint ; de pénétrer de compassion le cœur du sage.

C’est pour cela qu’H.P.B. donna les Trois Propositions Fondamentales en termes aussi métaphysiques. Ces Propositions « forment la base du présent ouvrage » (S.D. I, p. 13), et elles doivent être suffisamment maîtrisées car c’est « de leur claire appréhension que dépend la compréhension de tout ce qui suit » (S.D. I, p. 13). La première Proposition traite du thème de Dieu ou de la Déité. Ce sujet doit être étudié à partir du point de vue métaphysique. H.P.B. dit dans un de ses écrits (Transactions, p. 138, Éd. Ang.) que l’ « Occultisme pratique » est « la forme la plus inférieure de la Métaphysique appliquée. » Il faut que l’étudiant comprenne une fois pour toutes que, sans métaphysique, il n’est pas possible de comprendre les instructions données dans La Doctrine Secrète. Avec toutes ces notions présentes dans son esprit, laissons l’étudiant réfléchir sur les importantes déclarations suivantes (S.D. I, pp. 169-170) :

« Malheureusement, peu sont disposés à saisir ces doctrines du seul point de vue métaphysique. Même le meilleur de nos écrivains occidentaux [l’anglais A.P. Sinnett] quand il dévoile nos doctrines dans son ouvrage (Le Bouddhisme ésotérique) déclare à propos de l’évolution des Monades qu’« il ne veut pas s’engager sur l’aspect purement métaphysique du sujet ». Et dans ce cas, comme l’Instructeur le lui fait remarquer dans une lettre : « Pourquoi prêcher nos doctrines, pourquoi tout ce travail ardu et cette nage à contre courant ? Pourquoi l’Occident… devrait-il apprendre… de l’Orient… ce qui ne pourra jamais satisfaire les préjugés esthétiques particuliers ? ». Et il attire l’attention de son correspondant « sur les formidables difficultés que nous (les Adeptes) rencontrons chaque fois que nous tentons d’expliquer notre métaphysique au mental occidental. 

« Mais il peut vraiment le faire : car en dehors de la métaphysique, aucune philosophie occulte, aucun ésotérisme n’est possible. Ce serait comme essayer d’expliquer les aspirations et les émotions, l’amour et la haine, les actions les plus intimes et sacrées de l’âme et du mental d’un homme vivant, à partir de la description anatomique de la poitrine et du cerveau de son cadavre. »

Ceux qui n’ont pas d’instruction philosophique ne doivent pas perdre courage. La philosophie vivante de La Doctrine Secrète est bien éloignée des froides abstractions et des spéculations en forme de syllogisme de la scholastique, qui passent généralement pour de la philosophie. Aucun de ceux qui ignorent la philosophie ne trouvera que la métaphysique de La Doctrine Secrète dépasse sa possibilité de compréhension. Tout mental honnête, si peu versé soit-il dans le savoir des académies modernes, trouvera qu’il peut saisir cette métaphysique, s’il en aborde l’étude avec sincérité et s’il persiste dans son effort.